Exposition "L'appel du ring" > 3 janv 2023
A l’occasion de l’exposition temporaire « L’appel du ring », découvrez Parlons Boxe, la chronique mensuelle de Claude Boli, responsable scientifique du Musée National du Sport. Des victoires légendaires en passant par les destins les plus sombres, jusqu’aux influences diverses, vous saurez tout sur le « Noble art » !
30 octobre 1974, l’Afrique jubile. A Kinshasa dans la capitale zaïroise (RDC actuel), se déroule le championnat du monde de boxe de la catégorie suprême : les poids lourds. Chaude ambiance, show time… Une première dans ce continent longtemps resté éloigné des « grandes messes sportives internationales ». Grâce aux mégalomanies du président Mobutu et au promoteur du combat Don King, le charismatique Mohamed Ali affronte l’effrayant George Foreman. D’Abidjan en Côte d’Ivoire, à Ziguinchor au Sénégal, en passant par le bouillonnant township Soweto à Johannesburg, l’Afrique choisit Ali, le challenger, le « fils de l’Afrique » selon certains.
George Foreman, le favori, « l’étranger », celui qui n’a pas daigné apprendre quelques mots en lingala (langue locale) et toujours vêtu à l’américaine (jeans, salopette, casquette) est moins apprécié. Ali est adulé. On aime son allure, ses joutes verbales, ses chemises en pagne de confection locale. Dans les rues, à Nsele (lieu d’entraînement) quand il effectue son footing, il est entouré d’enfants qui scandent : Ali bombayé ! Ali bombayé ! qui signifie Ali, tue-le ! Le monde de la boxe attend cette confrontation. Comment celui qui fut surnommé « la grande gueule de Louisville » pourra-t-il éviter une humiliante raclée du jeune Foreman, une « force de la nature » qui ridiculisa et surtout mit KO à moins de trois rounds, les redoutables Joe Frazier et Ken Norton ?
Affiche Combat Ali-Foreman - Dépôt ville de Sannois
A quatre heures du matin, le stade du 20 mai est en transe. Dans l’attente du combat, les spectateurs voient défiler ce qui se fait de mieux en matière de Black music et de salsa. Pendant les chansons de James Brown, des spectateurs se perdent dans les pirouettes inspirées de celui qui incarne la Black Pride. Chaque fin de pas de danse est acclamée par des « yé ! yé ! ». Celia Cruz, la reine de la salsa « ambiance » le coin. Manu Dibango fait danser la foule avec Soul Makossa, le premier tube international d’un musicien africain. Les yeux et la voix de Miriam Makeba évoquent une Afrique mystérieuse...
Place aux boxeurs. Ali est le premier à entrer en scène. Il est vêtu d’une fastueuse tenue damassée brodée aux motifs africains, soutenue par une ceinture décorée de perles. Foreman déboule en trottinant sur le ring, vêtu d’un grand peignoir rouge à revers blanc, et arbore une ceinture bleue. Il a noué une serviette autour de son cou. C’est un stratagème utilisé par les boxeurs pour paraitre plus grand et plus impressionnant. Au centre du ring, les deux boxeurs se jettent des regards assassins. La foule lance le cri de ralliement des fans : Ali bombayé ! Ali bombayé ! Puis c’est autour des arbitres. Zach Clayton, l’arbitre noir américain, est assisté par deux juges africains, Nourredine de Tunisie et Amartefio du Ghana. C’est le premier championnat du monde des lourds où les trois juges sont noirs. Une centaine de journalistes du monde entier quadrillent les premières places du ring. Le combat peut commencer.
Luigi Castiglioni - Dessin, 1976 - Collection Musée National du Sport
George Foreman, 1973 © Bert Verhoeff, ANEFO